RENÉ BERGER (CH)

Philosophe spécialiste des nouvelles technologies

 

"L'une des scènes les plus pénétrantes du mythe Vichnouite fait référence au barattage de la mer de lait, dont l'une des plus belles représentations se trouve à Angkor. Dans une suite de bas-reliefs saisissants, on voit aux prises les dieux et les démons qui, tirant sur la corde symbolisée par le serpent Naga, barattent la mer de lait pour en faire surgir la liqueur d'immortalité convoitée par tous. Au cours des tractions opposées qu'exercent dieux et démons pendant plus d'un millénaire naissent la déesse de la beauté et les merveilleuses apsaras qui peuplent le ciel de leur danse ailée, enfin, dans l'épaisseur du lait baratté jusqu'à son terme, la liqueur d'immortalité, qui échoit aux dieux."

 

 

"Pourrais-je dire que le "barattage" se poursuit, que de nouvelles créatures voient le jour ? Notre pari est donc clair : nous nous devons, et les artistes les premiers, de prendre en compte à la fois la technologie et l'imaginaire émergeant en vue de l'étape qui nous conduit au seuil du prochain siècle. (...) Aussi paradoxal que cela paraisse, ce que j'appellerai "les amonts de la technologie" semblent rejoindre les "amonts du mythe", autrement dit, leur noyau énergétique commun, qui a pris tant de visages différents au cours des siècles, suscite aujourd'hui des expressions nouvelles. Ce ne sont donc ni les thèmes ni les structures qui sont épris, encore moins les représentations, fussent-elles transposées; c'est le complexe de forces mis en oeuvre au moyen de nos nouveaux outils qui invente, à partir de l'élan symbolique originel, les visages propres à la manifester à notre époque et que les artistes de notre époque s'emploient à "animer", à leur donner forme et mouvement. "

Extraits d'un texte de René BERGER, philosophe, à propos d'une installation de Jean-Pierre GIOVANELLI (in FLUX News n°16)