ALIBI ART - Paris (FR)

(www.alibi-art.com) site fermé

"Dans la série copyright-logo & co, voici le label médiatique "Approved by Alibi-Art", ..”, THTH "artiste sans
oeuvres", s'est fait connaître en approuvant d'un tampon la création des autres et la pub. Aujourd'hui, il re-mixe sa démarche en mettant en scène un binôme avec le parasite mondain Frédéric Vignale. A la place de l'artiste, son avatar Vignale traque et estampille les "people" sur les plateaux télévisés et dans les soirées "hype". Le but ? Récupérer le "show-bizz" par le prétexte de l'art et le "certifier conforme". Le binôme incarne ainsi la forme idéale d'un art terroriste médiatique avec une partie visible - "medias-projecteurs" et une autre invisible "ombre-web".

Alexandra Boucherifi

"the match is over (pas le temps de pleurer ? ``vs 2#``:) In order to stay alive, knowledge workers will have to stay virtual. Cyborg-narrators will do their dance of differance on the border."

Le silence ouvre sur le virtuel quand tout est musique dans une danse macabre extatique. Avec un désir de se faire l'instrument des medias pour rentrer dans la cour cynistrée des Actualités, simple cafardage amplificateur déformant, qui veut se faire événement (tel le crapaud et le buffle), Alibi Art singe les mythomanes qui règnent dans les châteaux de sable de la dixit "société d'information", société d'informateurs, de rapporteurs (Etat policier vu
ultérieurement ?). Fiers de revendiquer un machiavélisme opportuniste, les deux compères & co jouent à l'art contemporain en étalant les petits riens accessibles à tous qui aiguisent les différences au sein même de la répétition. Avec une touche esthétisante superflue propre au voyeurisme séculaire, le quotidien y est en effet vénéré en vue des opportunités de rencontrer des acteurs à solliciter pour une performance d'autodérision. Le tampon est un passe-partout.

Attitude infamante de demander la grâce de pouvoir tamponner l'épiderme, prétexte à séduction. De quel côté est le don et où est le contre-don ? Hommage aux corps désirants et pensants. Fameux tampon, symbole administratif du règne de la paperasse, instrument d'autorité, de reconnaissance officielle. Invalider ou valider, degré zéro du jugement, logique binaire du codage de l'information réservée auparavant aux machines outils. Y aurait il inversion, illustration de "l'art à l'ère de sa reproductibilité technique" ? Ne peut on attendre un approfondissement de cet équilibre de plaisir et de déplaisir ? Alibi Art - Label : duo d'agents de liaison, dandies portraitistes de l'époque, chirurgiens du temps présent qui s'évertuent à tenter d'épuiser la sphère médiamétrique, processus à la Perec mais appliqué au spectaculaire et non à l'infra-ordinaire. En indexant des personnalités sans réelle valeur ajoutée, sinon une vague esthétique de la présence co-temporelle (contemporanéité hors cadre historique) le marquage de masse se fait indice unidimensionnel, surface immanente glacée de flashs.

Cette tribu aux airs de troupeau, tels les fascinés, devant ou derrière, de l'écran, addicts à la notoriété, a le mérite de rassembler de l'hétérogène. Dans un dépassement du sens à portée collective, il y a là une collection de subjectivités qui revendique la perte du réel pour mieux appréhender les fictions qui se disputent l'orchestration du chaos. Cette instantanéité fétichisée au service d'un surf sur l'intensité illustre une guérilla dans laquelle l'anonymat se rebelle contre le matraquage médiatique. Comme pour mordre la main qui nourrit, le harcèlement à coups de tampon n'est qu'une légitime défense où l'alibi se fait symbole de la supercherie en quête de notoriété (ou l'inverse). L'esthétique relationnelle qui opère dans ce processus contagieux est également un écho au rituel qui se pratique aux entrées des soirées payantes. Le tampon s'échange contre une participation aux frais. La libre circulation des personnes y dépend de cette marque. Le folklore nocturne placé sous les signes d'une industrie du divertissement se fait complice de la dictature consensuelle qui dicte les comportements et les interactions diurnes. Le tampon s'y fait ultime trace culturelle de résistance aux diversions programmées.

En cela Alibi Art est un symptôme pertinent de la résurgence des matricules tatoués. Le totalitarisme n'est qu'une forme de la prolongation de l'esprit des Lumières, maîtrise de la nature, de l'homme par lui-même, de l'homme par l'homme encore d'actualité. Le réseau contre la hiérarchisation des pensées serait il une issue au schéma pyramidal maternant et instrumentalisant qui apprivoise les ressources humaines (forces productives désubjectivisées) ?
Alibi Art convie à une sorte d'enthousiasme permanent, " Révolution Blanche ", dionysie assoiffée d'horizontalité dans les rapports humains. La frénésie du tampon pourrait être un moyen de sortir du mauvais rêve décrit ci-dessus : ligne de fuite permettant de ne pas jouer le jeu du black-out qui sévit depuis plus d'un demi siècle.
La fulgurance de l'acte ne permet certes qu'un jugement hâtif propre à la génération fin de siècle prise dans l'accélération provoquée par l' aspiration du vide, mais elle permet par contre de déchirer le voile des illusions conservatrices. La durée de vie du tampon n'étant qu'éphémère on ne peut calquer cette pratique sur les usages concentrationnaires, tout au plus un symptôme révélateur, une irruption quasi allergique.
Alors à quand le patch repositionnable, ou un pansement ?
Karma-trauma contre karma police.

Laurent Carlier

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