Dominique GROS

Bonsoir Tamara, bon voilà ... tu en fais ce que tu veux ;-) 
A bientôt 

Dominique 

Dehors le bruit de la foule me parvenait comme en vagues tantôt  rassurantes, 
tantôt effrayantes, comme le ressac de notre vie entre 
les récifs et les cris des sirènes. 
Je voulais ce soir ne pas plonger ma tête dans cet aquarium de verre et 
d'acier, traversés de mots et d'images dont on ne sait d'où il viennent 
et ni qui les a enfanté. Passent-ils comme ces bédouins chargés de sacs 
dans l 'échancrure d'une dune de sable, existent-ils vraiment ? 
mirage virtuel ? 

J'aurais voulu ne pas y replonger ma tête mais plutôt laisser mon 
corps froid plonger dans la marée des pas qui roulent et se mélangent. 
Mais j'ai cédé, comme toujours, l'aquarium semble si chaud et le vent 
dehors si froid. 

Je lis et relis ces lignes alignées sur l 'écran, miroir de mes songes. 
" Encore ", encore quoi ? enfiler mes mots comme des perles sur un 
chapelet de prières ? Encore des mots, des mots lisses , polis , 
rugueux ou agités de soubresauts. 

Qui suis-je pour te parler de la sorte, et qui es tu que je ne touche pas ? Empiler des mots comme des briques ne peut combler la distance 

qui me sépare de toi. J'existe au delà de mes mots qui racontent une 
histoire à défaut de raconter mon histoire. Je ressemble au vieil 
écrivain prisonnier de ces tics de langage qui n'en finit pas de 
réinventer sa vie à force de parler de lui, finissant par croire à ses 
mensonges même doux. 

Sais tu que mon regard sait briller quand il croise celui qui cherche  la lumière, connais le souffle de ma voix tantôt chaude, tantôt froide,  réagissant comme un thermomètre aux émotions croisées, peux tu sentir  la texture de ma peau traversée par les courants dans l'océan de la vie 
qui ondule ? 

Même, sais-tu que j'adore manger de l'ail et m'allonger à plat ventre 
sur le sol et respirer la terre humide et grasse ? sais tu ... 
...  stop ! 

Aujourd'hui, ce soir, je nage, je surnage, trop fatigué pour parler,  ajouter des mots dont je ne sais s'ils te parviennent en bon état : 
" encore ", encore ? Plus envie de couler, de me couler entre les 
lignes de tes phrases. 

J'ai décidé de sortir ma tête de ce bocal cathodique où j'étouffe. 
Sevrage. Brutal, douloureux , d'un élan, je saisis mon écran et le 
laisse s'écraser dans la poubelle d'en bas. 
Le chat de la concierge, terrifié, s'enfuit d'un bond. 

Le vacarme est total. 

Les passants s'arrêtent, lèvent les yeux, interloqués. Je lève les bras au ciel 
en leur souriant largement comme un ex-taulard retrouve sa liberté perdue. 
Je suis guéri, désintoxiqué du virtuel.

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