"L'une
des scènes les plus pénétrantes du mythe Vichnouite
fait référence au barattage de la mer de lait, dont l'une
des plus belles représentations se trouve à Angkor. Dans
une suite de bas-reliefs saisissants, on voit aux prises les dieux et
les démons qui, tirant sur la corde symbolisée par le
serpent Naga, barattent la mer de lait pour en faire surgir la liqueur
d'immortalité convoitée par tous. Au cours des tractions
opposées qu'exercent dieux et démons pendant plus d'un
millénaire naissent la déesse de la beauté et les
merveilleuses apsaras qui peuplent le ciel de leur danse ailée,
enfin, dans l'épaisseur du lait baratté jusqu'à
son terme, la liqueur d'immortalité, qui échoit aux dieux."
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"Pourrais-je
dire que le "barattage" se poursuit, que de nouvelles créatures
voient le jour ? Notre pari est donc clair : nous nous devons, et les
artistes les premiers, de prendre en compte à la fois la technologie
et l'imaginaire émergeant en vue de l'étape qui nous conduit
au seuil du prochain siècle. (...) Aussi
paradoxal que cela paraisse, ce que j'appellerai "les amonts de
la technologie" semblent rejoindre les "amonts du mythe",
autrement dit, leur noyau énergétique commun, qui a pris
tant de visages différents au cours des siècles, suscite
aujourd'hui des expressions nouvelles. Ce ne sont donc ni les thèmes
ni les structures qui sont épris, encore moins les représentations,
fussent-elles transposées; c'est le complexe de forces mis en
oeuvre au moyen de nos nouveaux outils qui invente, à partir
de l'élan symbolique originel, les visages propres à la
manifester à notre époque et que les artistes de notre
époque s'emploient à "animer", à leur
donner forme et mouvement. "
Extraits
d'un texte de René BERGER, philosophe, à propos d'une
installation de Jean-Pierre GIOVANELLI (in FLUX News n°16)
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