> Tamara : la sexualité serait-elle à l'origine des peurs primordiales ?
> Henri Guéguen : Cette manière occidentale (venant des mondes méditerranéens ?) d'être sexué est, oui, je crois, à l'origine à la fois de cette Civilisation et du Malaise dans la Civilisation...
> L.L D.M. : Ce qui serait étonnant, c'est qu'elle n'y soit pas. La peur se manifeste à chaque fois qu'est mis en péril l'idée qu'on peut se faire de notre bonheur (la souffrance répondant à la perte de la plénitude et de l'intégrité physique, la mort à la perte absolue, par exemple).
La sexualité est un des rares dénominateurs communs à toutes les modélisations possibles du bonheur, non?
> Antoine Moreau : Si nous parlons d'amour alors que nous accomplissons, dominés par la nature, l'acte sexuel, c'est bien pour masquer l'horreur bestiale de cet acte. La jouissance retirée nous soulage de n'avoir pas à regretter d'avoir été une bête le temps d'un spasme.
Il nous faudra parler d'amour, le chanter, le clamer pour effacer de nos mémoires l'atroce charcutage mental et physique auquel nous nous soumettons écroulés de rire. Branlés et ébranlés, c'est peu dire que nous avons frolés la mort et que de cette expérience nous avons oublié la peur. Cette peur est tellement présente que nous avons le nez dessus, qu'elle orne notre tarin comme le rouge au milieu de la figure du clown. Rions de nous casser les dents alors qu'on aime et qu'on baise. Faut bien soulager son corps et faire corps avec. Alors c'est merveilleux, non? Etre aussi vivant d'avoir touché du doigt l'anéantissement et la confusion à ce point? S'en relever, amoureux... Déjà prêt pour une autre bonne branlée, déjà prêt à en mettre un bon coup de bélier encore. Allons, n'ayons crainte, nos illusions sont magnifiques qui nous transforment en humanité aimante quand c'est la bête qui montre ses dents. Le chat miaule et le loup dévore.
Aujourd'hui, les moutons, avec un sacré temps de retard, font leur révolution sexuelle et pensent être libres lorsqu'ils affichent à l'envie leurs attributs. On sait bien qu'ils sont déjà dépassés par le monstre auquels ils obéissent aveuglément comme tout révolutionnaire obéit à son maître pour lui servir enfin de chair à canon. Le sexe est à la masse et la guerre est totale.
Craignons les libérateurs du sexe : ils ouvrent les ventres pour édifier les foules sur la vérité mécanique de Dieu.
Mettons les voiles! Quittons ce port infect où les bâteaux sont enchainés à même la peau écorchée vive. Bas les masques, qu'un voile léger effleure nos épidermes et fasse naître un désir jamais satisfait et toujours libre.