Casa di l'Orcutexte : Nadine Manzagol
Ghjilormina racontait des légendes, le soir, quand elle était sûre que, désoeuvrés enfin nous l'écoutions paisiblement. Sa voix vibrante et chaude recomposait des fragments d'histoires mille fois entendues, mille fois répétées. Nous l'entourions pour le bonheur de la voix, l'intonation et son timbre rauque qui faisait chanter la langue corse... et les chapelets de proverbes... et les silences de cette voix de prières et de murmures... Une matière vivante et laineuse dont elle démêlait l'écheveau familier, une matière parfois électrisée d'émotion ou de colère retenue. Et nous courrions alors sur des pistes de songes que les flammes de l'âtre projetaient sur les murs.
La maison, tout à coup, c'est une bulle qui monte dans la fumée!
Et le village grandissait dans la campagne, grimpant jusqu'aux champs d'oliviers, débordant le fleuve, dévalant vers la ville maritime. Les revenants de tous les lieux du monde avaient déferlé en une ronde de ruines et de ronces. Sauvage était la nuit dehors, et la maison, une bulle qui s'évadait vers l'étoile polaire !
Et Ghjacumu, un soir, qui s'est persuadé avoir retrouvé l'authentique secret des géants du Monte Revincu ! Parti seul au crépuscule, il s'est enfoncé dans le maquis revêtu d'une peau de sanglier. Il allait vers la "Casa di l'Orcu", et ainsi cheminait dans sa révélation comme s'il remontait pas à pas les traces des bergers disparus.