Wudang
Shan, une bagatelle ! Le berceau du Taoïsme, philosophie et art
de vivre chers à mon âme, j'étais pressée d'y accéder.
Avec Alex, un jeune élève allemand, nous décidâmes
d'accéder à la montagne sainte le samedi suivant.Ce site qui fait
partie de l'héritage culturel mondial de l'UNESCO, je l'avais imaginé,
dans ma grande hâte, comme une seule montagne.Quelle naïveté
! Wudang Shan s'étale sur 72 pics et renferme de nombreux temples, monastères
et palais datant surtout de la dynastie Ming (1368-1644). Ces temples, on y
parvient en gravissant vingt mille marches (certains disent quarante mille...)
et dont le sommet, la Pagode d'Or, culmine à 1.612 m. ! La première
partie se fait en bus ; ensuite, c'est soit le téléphérique
(mais cela ne me tentait pas) soit les jambes. Il fallait que nous soyons au
sommet en trois heures, puis redescendre dans le même temps.
Non que j'aie surévalué mes capacités, mais réellement
sous-évalué l'entreprise. La pluie et le brouillard ne cessèrent
de la journée, il faisait une chaleur moite, et malgré ma cape,
j'étais aussi mouillée au-dessus qu'en-dessous.
Parcours
initiatique Après avoir gravi le tiers du parcours, le souffle
court et le coeur agité, je déclarais forfait ! Peut-être
était-ce l'effet du jet leg qui pourtant ne m'avait pas affecté
les deux premiers jours ? Les marches se succédaient à l'infini,
quasiment à la verticale ; je me sentais éreintée, découragée
et, abandonnant Alex, garçon sportif et fier, je pris une chaise à
porteurs.
Nous nous étions donné rendez-vous à midi au sommet, mais
je ne l'y trouvai pas. Jamais je ne m'étais sentie aussi pitoyable !
et d'entendre souffler, en rythme, les deux porteurs, moi, occidentale peu argentée
mais riche aux yeux de ces hommes, j'avais honte, tellement honte. Nous fîmes
ainsi un autre tiers, puis les porteurs s'arrêtèrent me signifiant
que leur tâche s'achevait là.
La
foi ? connais pas... Il me restait un dernier tiers avant la Pagode
d'Or ; je secouai le peu d'orgueil qui me restait et m'élançai
dans la foule de touristes et pélerins chinois. Aguerris et joyeux, ils
grimpaient les marches en soufflant un peu mais pas trop. Et je me dis que décidément,
ces gens sont différents, plus forts, plus résistants, ils ont
le Qi (ou Chi, ou savent le cultiver, ou alors c'est la foi ! Une très
belle race, en somme.
A chaque porte, un temple. Ma sympathie pour le Taoïsme est plus philosophique
que religieuse. Sans conviction aucune, mais pour jouer le jeu, je brûlai
un encens et fis un don, puis m'inclinai devant Zhen Wu, le guerrier parfait,
pendant que le gardien du temple frappait sur un petit gong. Au sommet, comme
à chaque porte et chaque temple, c'était la bousculade ; des échoppes
de souvenirs, babioles, encens et nourriture, et des centaines de personnes
qui voulaient voir et honorer les divinités.
Négligeant le déjeuner, je me pressai toute joyeuse vers la descente,
me disant que mes tourments étaient terminés. Quelle illusion
!
Dans les Monts Wudang pour descendre, il faut monter puis descendre, et monter
encore, et encore descendre. Mes jambes ne me portaient plus. "Tant pis,
me disais-je, je vais m'asseoir là, il faudra bien que l'on vienne me
chercher".
Heureusement, il y avait d'autres femmes, chinoises jeunes ou moins jeunes qui
étaient dans le même cas, et cela m'encouragea. Mais enfin, j'étais
arrivée.
Sous
aucun prétexte Mais si vous allez dans le Hubei, ne ratez pas
Wudang Shan ! Le site est magnifique. Seulement, mieux vaut s'y prendre autrement
que je ne l'ai fait et parcourir les lieux en plusieurs jours.
Il y a des hôtels pas très chers, il faut s'y arrêter pour
explorer les alentours, les forêts et les sources, les stèles,
les sculptures, les ex votos taoïstes et les caractères gravés
dans les roches...
En tendant l'oreille, l'on entendrait presque voler, entre les branches des
arbres, les esprits et les fées. Car j'en suis à présent
persuadée, ces gens-là savaient voler.Je parle des prêtres,
moines et nonnes, tous ces habitants du temps depuis longtemps révolu
où Wudang Shan n'était pas un site touristique. Il faut être
capable de voler pour demeurer en ces hauteurs. Quant à moi, je planifie
déjà ma prochaine visite...